Updated: août 28, 2024
En un peu plus d’une dizaine d’années, le paysage français de la location saisonnière a très fortement évolué. Avant l’existence des plateformes de location en ligne, le marché se répartissait entre des professionnels et des particuliers. Ces derniers proposaient souvent une résidence secondaire en location de courte durée. Le statut même de ces logements était bien identifié. L’avènement des sites mettant en relation loueurs et touristes autour de 2010 a complètement rebattu les cartes. Il a ouvert la possibilité à chacun de proposer sa résidence principale en location. L’engouement rapide de nombreux propriétaires intéressés par l’opportunité d’arrondir leurs fins de mois a cependant provoqué des effets secondaires indésirables. Au point que des réglementations de plus en plus restrictives sont aujourd’hui envisagées. On fait le point sur ces régulations et restrictions AIrbnb.
Le modèle Airbnb a connu une croissance fulgurante en France.
Depuis son arrivée en France, Airbnb a connu une croissance exponentielle. En 2010, on comptait environ 20 000 logements Airbnb en France. Ce nombre a explosé pour atteindre 150 000 en 2015, puis 300 000 en 2020. En 2024, ce chiffre dépasse désormais les 500 000 logements disponibles sur la plateforme. Cependant, Airbnb n’est pas la seule plateforme de ce genre. En incluant d’autres sites majeurs comme Abritel et Booking.com, on comptait 855 000 logements disponibles en 2019. Ce chiffre a grimpé à 1 200 000 en 2023, représentant une augmentation de 40 % en quatre ans. En 2022, ce sont ainsi plus de 85 millions de nuitées qui ont été réservées sur des plateformes de ce type ! Une étude diligentée par Airbnb montrait qu’à la même époque :
- 48% des meublés de tourisme répertoriés en France concernaient des résidences principales louées occasionnellement,
- 44% étaient des résidences secondaires, louées également occasionnellement,
- Seulement 8% reposaient sur des logements dédiés à la location de tourisme.
Les grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille sont particulièrement touchées, avec une concentration élevée de locations. De même, les régions touristiques comme la Côte d’Azur, les Alpes et les zones rurales de Provence connaissent une augmentation notable des logements dédiés à la location courte durée via Airbnb.
Les locations saisonnières Airbnb engendrent un déséquilibre de l’offre de logement
Avec l’explosion des locations de courte durée proposées par des particuliers sont apparus de nouveaux problèmes. Dans un pays où le marché du logement est tendu, cette frénésie a produit plusieurs effets concomitants :
Un certain nombre de propriétaires, disposant de plusieurs biens immobiliers, ont cherché à en faire un véritable « business ». Louer un appartement parisien ou une maison pour de très courtes périodes, sans pâtir d’un statut de location saisonnière moins intéressant fiscalement, a ouvert de lucratives perspectives.
La multiplication des logements « Airbnb » s’est bien souvent accompagnée d’une hausse des tarifs. Il est devenu nettement plus intéressant de louer à la journée que sur des périodes plus longues (la semaine, le mois). De plus, les propriétaires avisés ont bien intégré l’art du yield management qui permet d’adapter les prix, et en particulier de les augmenter lors des périodes de forte affluence.
Au-delà de la concurrence durement ressentie par les professionnels de l’hébergement comme les hôteliers, cette tendance a fait monter les prix des locations, barrant l’accès aux résidents à des logements de plus en plus chers.
Un nouveau paradoxe s’est installé : avec un parc de logement globalement stable, les places offertes aux touristes ont augmenté. Avec deux conséquences : un risque de surtourisme dans plusieurs régions, rendant invivables certains quartiers trop fréquentés, et un renchérissement global des tarifs de location. Ce double phénomène a pu amplifier les tensions, notamment en termes de nuisances sonores et de détérioration de la qualité de vie dans les quartiers résidentiels.
Réactions et Réglementations Locales Face aux Locations Airbnb
Bien qu’Airbnb soit toujours très populaire auprès des touristes, de nombreuses communes ont rapidement identifié les risques liés à cette nouvelle forme d’hébergement. Paris compte aujourd’hui près de 50 000 logements « Airbnb » et de nombreuses villes connaissent des difficultés, amenant des réactions des habitants. Ainsi, à Marseille, un groupe anti-Airbnb se faisant appeler « Marseillais du centre-ville » a volé 40 boîtes à clés et dégradé 21 d’entre elles. Dans d’autres villes comme Annecy ou Nice aussi, on chasse les boîtes à clés et l’on cherche à restreindre l’ampleur de ces locations « sauvages ».
Depuis 2017, la réglementation des locations saisonnières s’est durcie
C’est l’article D324-1 du Code du tourisme qui définit la location saisonnière en meublés de tourisme. Il s’agit de « villas, appartements, et studios meublés, offerts en location à une clientèle de passage pour des séjours à la journée, à la semaine ou au mois, sans y élire domicile ».
Chaque propriétaire peut ainsi proposer en location saisonnière un bien, qu’il s’agisse de sa résidence principale ou d’une résidence secondaire. Mais attention, il existe de nombreuses restrictions et règles à respecter. Airbnb fait preuve d’une volonté de transparence en rappelant les consignes à suivre pour un hébergement responsable en France.
Si le bien loué est votre résidence principale
Au 1er juillet 2024, la réglementation pour louer son logement en courte durée est déjà assez cadrée et amène de nombreuses régulations et restrictions Airbnb.
- Votre résidence principale est le lieu où, par essence, vous résidez au moins 8 mois dans l’année. Il n’est donc pas possible de la louer, au titre de location de meublé touristique, plus de 120 jours dans l’année.
- Vérifiez ensuite, lorsqu’il s’agit d’un bien immobilier dans une copropriété, que le règlement de copropriété autorise bien la location saisonnière.
- Pour l’instant, il n’est pas obligatoire de déclarer votre logement à la mairie, sauf dans un certain nombre de villes. Les grandes villes de plus de 200 000 habitants exigent souvent que vous déclariez votre résidence à la mairie. Vous recevrez alors un numéro de déclaration à fournir à la plateforme de location. Parmi les villes exigeant une telle déclaration, on trouve : Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Saint-Malo. Les communes du Pays basque, les Sables-d’Olonne et Versailles figurent également sur la liste. La liste s’allonge régulièrement. Il est donc impératif de vérifier sur le site internet de sa commune si la déclaration est obligatoire.
- Une fois le numéro de déclaration obtenu, il doit être communiqué à la plateforme sur laquelle vous mettez votre logement en location. L’objet principal de cette déclaration est de permettre à la commune de contrôler le respect des règles applicables, comme la limite des 120 jours annuels.
- De plus, en tant que propriétaire d’une résidence principale proposant des locations de courte durée, vous êtes tenu de vous inscrire au répertoire Sirene de l’Insee. Il vous sera attribué un numéro SIRET qui vous permettra de vous identifier auprès des services fiscaux pour la déclaration des revenus tirés de la location de votre résidence. En effet, ceux-ci sont imposés, en règle générale selon le régime fiscal micro-BIC. Actuellement, pour des revenus locatifs annuels inférieurs à 15 000 €, ceux-ci bénéficient d’un abattement fiscal de 50 %.
Par contre, si vous louez, non pas l’entièreté de votre logement, mais une chambre, vous n’avez alors pas de limitation : vous pouvez la louer 365 (ou 366) jours par an.
Si le bien loué est une résidence secondaire
La réglementation actuelle diffère sensiblement en ce qui concerne les résidences secondaires qui pourraient être louées sur les plateformes.
- Tout d’abord, une résidence secondaire ne connaît pas de limite de location. Le loueur peut, s’il n’a pas besoin de disposer de ce logement, le proposer en location bien au-delà des 120 jours d’une résidence principale, sur toute l’année. Le logement pourra alors être proposé pour des locations saisonnières classiques. Il pourra également être loué pour des durées très courtes, comme sur Airbnb et d’autres plateformes similaires. Par contre, ce logement doit être à usage exclusif du locataire. Le propriétaire ne peut l’occuper en même temps que son locataire.
- Le logement doit s’adresser à une clientèle de passage, le locataire ne pouvant donc pas prétendre y élire domicile. La durée maximale d’une location ne peut excéder 90 jours consécutifs.
- Lorsqu’on souhaite louer une résidence secondaire en meublé de tourisme, il est impératif de le déclarer à la mairie. Dans les zones où la question du logement n’est pas tendue, cette solution suffit. En revanche, dans de nombreuses villes et zones touristiques, une procédure de changement d’usage est nécessaire. La commune acte du fait que le local, jusqu’alors à simple usage d’habitation, devient un local professionnel ou commercial.
- Ainsi, dans les villes de plus de 200 000 habitants et dans les communes de plus de 50 000 habitants situées en zones « tendues », une autorisation préalable de la mairie est requise. Cette règle s’applique également aux communes limitrophes de Paris pour louer votre résidence secondaire. Enfin, dans certaines communes, telles que Paris et les trois départements de la petite couronne parisienne, l’autorisation est subordonnée à une mesure de compensation. Cette règle s’applique également dans certaines régions très touristiques, comme au Pays basque. C’est simple : si un logement auparavant uniquement résidentiel est destiné à la location touristique, il doit compenser la perte d’espace habitable. Cela se fait en transformant un local commercial dont il est propriétaire en une résidence secondaire de la même taille. C’est au propriétaire d’apporter la preuve de cette transformation et de la comparabilité des deux surfaces. L’autorisation de mise en bail n’est délivrée que si les critères de compensation, vérifiés par la mairie, sont bien remplis.
Si le propriétaire ne peut pas transformer un autre local en habitation, il peut aquérir un titre de compensation. Ce droit de commercialité peut être acheté à d’autres propriétaires.
Dans certaines zones particulièrement « tendues », des règles de compensation renforcées s’appliquent. Par exemple, dans les arrondissements parisiens du centre et de l’ouest, chaque m² d’habitation supprimé par la location doit être compensé par 2 m². Ces règles peuvent être encore plus contraignantes. Par exemple, dans les arrondissements du centre de Paris, au moins la moitié de la surface du bien concerné doit être compensée dans le même arrondissement.
Les sanctions actuelles vis-à-vis des contrevenants aux régulations et restrictions Airbnb
Aujourd’hui, les propriétaires dérogeant aux régulations et aux restrictions Airbnb sont passibles de sanctions financières potentiellement importantes. Les plus courantes sont les suivantes :
- Le dépassement des 120 jours de location par an dans une résidence principale, sans justification auprès des services de la mairie, peut occasionner une amende jusqu’à 10 000 € ;
- L’absence de déclaration d’un bien mis en location dans une ville ayant mis en place un numéro de déclaration est passible de 5 000 € d’amende ;
- Ne pas procéder à un changement d’usage pour une résidence secondaire peut entraîner une amende pouvant atteindre 50 000 € et une astreinte quotidienne de 1 000 € par mètre carré.
De prochaines restrictions supplémentaires ? Les 7 mesures clés prévues dans la loi Le Meur
La députée Annaïg Le Meur soutient un projet de loi transpartisan, élaboré depuis plusieurs années, qui devrait être finalisé cette année. Pour être adoptée, il suffirait d’une adoption en commission mixte paritaire, mais la dissolution de l’Assemblée en juillet 2024 l’en empêche. La loi comprend de nombreuses mesures de restrictions mais aussi de régulations Airbnb, laissant aux communes une plus grande latitude.
1 La responsabilité des intermédiaires immobiliers
Alors que, jusqu’à présent, les conciergeries et agences de gestion locatives n’avaient pas à contrôler la conformité des locations avec les principes de régulation et de restrictions, la loi introduit la notion de leur responsabilité.
Ces intermédiaires immobiliers sont ainsi passibles d’une amende au cas où la location contreviendrait aux dispositions réglementaires ou législatives (dépassement des 120 jours, non-déclaration, etc.).
2 La fin de la règle des 120 jours Airbnb
Aujourd’hui, on l’a vu, il est possible de louer sa résidence principale en meublé de tourisme jusqu’à 120 jours par an. La loi introduit la possibilité pour les maires de baisser ce seuil à 90 jours dans l’année (soit une amputation d’un quart).
3 Une autorisation de mise en location assujettie au DPE
De même que pour les locations et ventes de logement en France, la loi Le Meur introduit une interdiction de mise en location de courte durée si le diagnostic de performance énergétique est mauvais. L’interdiction est échelonnée entre 2025 et 2034. L’interdiction de mise en location intervient :
- Le 1er janvier 2025 pour les DPE classés G,
- Le 1er janvier 2028 pour les DPE F,
- Et le 1er janvier 2034 pour le DPE E.
4 Sans DPE, pas de location ?
L’amendement 31 du projet de loi permet aux élus municipaux de soumettre la mise en location touristique dans leur commune à un régime d’autorisation préalable fondé sur la présentation d’un diagnostic de performance énergétique.
5 L’affichage obligatoire en copropriété
Lorsque la résidence principale candidate à la mise en location de courte durée se situe dans une copropriété, elle ne nécessite ni autorisation ni information de la copropriété. Le projet de loi prévoit que les propriétaires devraient désormais en informer le syndic de copropriété qui serait tenu d’en informer l’ensemble des copropriétaires par affichage.
6 Une fiscalité moins avantageuse
L’intérêt pour un propriétaire de résidence principale située dans une zone touristique et attractive à la louer pour des séjours de courte durée était double : il pouvait proposer son bien à des tarifs assez lucratifs, en particulier grâce à une tarification dynamique, tout en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse. Alors que les locations de logements nus sont frappées d’une fiscalité à 70 % avec un abattement de 30 %, les locations de meublés ont actuellement un abattement de 50 %. La loi rétablirait une cohérence, en abaissant à 30 % l’abattement de la location meublée touristique. A contrario, les zones rurales très peu denses pourraient appliquer un abattement de 70 %, afin d’augmenter leur potentiel attractif.
7 La limitation du nombre d’autorisations de changement d’usage
Le projet de loi permet aux communes de restreindre et de réglementer les autorisations de changement d’usage temporaire des locations touristiques, en s’inscrivant dans les régulations et restrictions Airbnb.
Ces nouvelles régulations et restrictions Airbnb sont-elles nécessaires ?
Avant l’adoption de ces nouvelles régulations et restrictions, de nombreuses communes et certains territoires avaient déjà utilisé l’arsenal existant pour atténuer l’effet potentiellement chaotique des locations Airbnb sur l’offre de logement pour les résidents.
Ainsi, depuis 2014, la mairie de Paris avance des mesures qui lui permettent pour l’instant de réguler l’explosion des offres de locations meublées de tourisme. Les plateformes sont chargées de collecter la taxe de séjour et elles doivent bloquer les annonces de location dépassant 120 jours. Récemment, la ville a proposé des règles plus contraignantes pour les compensations, ce qui semble avoir maîtrisé la croissance de l’offre. Pour autant, les Jeux olympiques de 2024 ont joué à plein, faisant exploser les propositions de locations de meublés touristiques dans les départements limitrophes.
L’exemple du Pays basque est également intéressant. En introduisant le principe de compensations systématique pour les résidences secondaires candidates à la conversion en location de meublé touristique, la communauté d’agglomération a pu constater en seulement un an la diminution de 92 % des autorisations de changement d’usage. Au point que les professionnels de la location tirent un signal d’alarme.
Si la loi est adoptée, il sera intéressant d’en mesurer les effets un an après sa mise en application. Car si elle laisse plus d’autonomie aux communes, encore faut-il que celles-ci aient la volonté de s’en emparer. Certaines ont déjà bataillé avec l’arsenal existant et réussi à stabiliser la situation. Les mesures supplémentaires inciteront-elles les villes pour l’instant restées impassibles à intervenir, au risque de perturber les nouvelles habitudes des touristes ?